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Il y a trop de Moi en moi. J'ai mis du temps à m'en rendre compte, plus encore à mettre les mots sur ce qui me titillait. Et puis un jour, ça m'est venu comme ça. J'ai fait appel à ma "vision intérieure" pour vérifier, et suis resté épouvanté par ce qui s'offrait à mon regard. Mon Moi débordait carrément de moi, sans contrôle, envahissant l'espace au gré de ses envies, se mêlant parfois sans vergogne à celui des autres. Je vous laisse imaginer la gêne que j'ai ressentie sur le moment.
Si la vie m'a alloué un emplacement, me disais-je, c'est qu'il doit suffire à mes besoins. Aussi m'efforçais-je d'ériger des barrières pour Me contenir en moi tout entier , de les renforcer par de bonnes couches de blindage et de placer des cerbères mentaux pour veiller au grain. ça a fonctionné un temps... mais chacun sait ce qui arrive lorsqu'on veut confiner un grand contenu dans un petit contenant, La pression monte et boum! C'est l'explosion. Je me suis néanmoins entêté, rebouchant les trous, colmatant les brèches, refermant les fissures jusqu'à épuisement. Enfin, je me suis tout de même décidé à chercher une meilleure solution. Que j'ai cru avoir trouvée...
Laissant tomber pierres et mortier, cadenas et serrures, portes blindées et clôtures, je me suis procuré teinture d'illusion, tissu de rêves et fil de songes. Sans relâche, j'ai filé, tissé et cousu, emprisonnant de Moi l'excédent au sein de fines membranes, formant multitude de bulles envoyées aux quatre vents.
Lorsque j'eus achevé mon ouvrage, je m'aperçus avec horreur que j'en avais trop fait. Toute ma substance envolée! Il me fallut des années pour rassembler mon Moi dispersé, pour démêler les trames entrecroisées que j'avais moi-même tissé. Maintes fois je me perdis au sein de cette galerie de miroirs déformants, maintes fois je m'égarai parmi les faux-semblants. Jusqu'à ce que je me retrouve... au point de départ.
Heureusement, en chemin, j'avais rencontré les Autres. J'avais interagi, discuté, ri, pleuré, aimé, souffert... bref, j'avais appris.
Aussi adoptai-je une nouvelle tactique.
A présent, je me place exactement au centre de Moi, et le laisse s'étendre librement. Oui, je déborde... et alors? Quand nous nous croisons, en cet instant précis où nos regards se rencontrent pour la première fois, lorsqu'un bref sourire nait simultanément sur nos deux visages, sens-tu toi aussi nos Moi qui se croisent? Toi, Moi, Toi vu par Moi et Moi vu par Toi, quatre sensations mêlées pour former un éphémère Nous potentiel...
Libre à toi bien sûr de battre le rappel, clore les vannes et fermer les écoutilles. Tu peux également profiter de cet instant, puis le laisser filer. Tu peux tout bonnement l'ignorer. Mais pourquoi ne pas se laisser aller?
Le choix t'appartient désormais.
PS (parce que ça me titille depuis ce we ;p) message personnel à la vie, au destin ou je ne sais quoi et je m'en fiche de toute façon:
"Okay, on continue. Mais maintenant, c'est moi le Chat!"
:D