Une nouvelle journée passée devant la Vitre... Il n'a rien fait d'autre aujourd'hui, perdu dans la contemplation de ce monde au-delà du miroir. D'années en années, la fascination qu'exerce sur lui cet endroit merveilleux ne cesse de croître. Souvent, il vient ici, se tient debout devant la barrière de verre et laisse errer son regard sur cette zone interdite. Tout le reste cesse alors d'exister. L'écoulement du temps ne signifie plus rien. Quant à la réalité... Qu'est-ce donc que la réalité finalement? Un ensemble d'éléments que ses sens perçoivent et auxquels corps et émotions réagissent, voilà tout. S'il pouvait traverser, alors l'autre monde serait sa réalité, tandis que le "réel" deviendrait l'illusion derrière la Vitre. Et plus rien ne l'atteindrait...
Alors que ses pensées empruntent une nouvelle fois cette pente dangereuse, alors que l'appel se fait plus fort, comme toujours, un craquement retentit. Il pose sa main sur la surface lisse, exerce une légère pression, puis caresse l'interface du bout des doigts. Oui, là... une nouvelle fissure est apparue. Les autres ont progressé. Bientôt, bientôt... Il le sait, à mesure que sa résolution faiblit, à mesure que sa volonté cède, ce mur qu'il a lui-même généré se fragilise. S'il se laissait aller maintenant, s'il poussait de toutes ses forces, peut-être ce garde-fou volerait-il en éclats. Ce serait un spectacle magnifique que de franchir cette frontière dans une gigantesque explosion, de faire le dernier pas enveloppé de poussière de cristal scintillante.
Nouveaux craquements sourds, nouvelles fêlures. Danger. Il est allé trop loin, le point de rupture se rapproche. La tentation enfonce dans son esprit ses griffes effilées, inquisitrices, et appuie sur les points sensibles pour finir de ferrer sa proie. La question revient. Qu'est-ce donc que la réalité finalement? Mais c'est une autre voix qui répond cette fois, issue des tréfonds, de cette partie obscure de l'âme qui teinte la vision en gris et noir. La réalité? Douleur, souffrance, faiblesse. Frôlements écoeurants de la masse humaine qui grouille, envahit, dévore. Spectacle obscène d'un entrelacs de pensées mesquines guidant des amas de chair sur une tranche de temps pourrie que l'on appelle "vie". À quoi bon essayer d'embellir ce tableau sorti de l'imagination d'un peintre fou? Laissons tomber tu veux, allez, tu en as la possibilité, alors sors-nous de là.
La Vitre tremble maintenant, et à chacune des ondulations qui la parcourent, les brisures avancent. Les craquements se changent en un grondement assourdissant. Il met ses deux mains en avant et fait un pas, emplit d'une jubilation malsaine. Dans sa tête, une seconde voix tente de protester, lutte farouchement contre l'emprise du dégoût, de la mélancolie, du mensonge.
Tout ceci est faux, dit-elle. Ce n'est qu'une montagne de rien, cela n'a pas d'importance. Tu vas vraiment tout abandonner, tu vas vraiment baisser les bras? Je te croyais plus fort que ça. Cherche, cherche bien, va au-delà de la surface, regarde-toi. Ce que tu fais, c'est vraiment toi?
Dans un ultime sursaut, la conscience refait surface. Qu'est-ce que c'est que ce délire? Non, il faut tout arrêter. Il y a encore à faire, tant à faire. Et tant d'amour à donner.
À quoi bon? répond la voix caverneuse. Cela ne t'apportera rien. Tu crois que le bonheur c'est ça? Foutaises. Tu ne peux pas gagner de cette façon. Tu te feras bouffer, et tu crèveras seul, c'est tout. Inutile de te leurrer, à la fin, il ne restera rien. De toute façon, pas besoin de discuter, il est trop tard pour faire machine arrière, tu as cédé.
Je ne crois pas, je suis sûr. Je ne doute pas. Je suis ce que je suis, et le resterai jusqu'au bout. J'aime, cela me définit. Et toi, tu n'existes même pas, aberration de l'esprit.
Dans un hoquet lamentable. la ténèbre disparaît.
Revenu à lui, il recule, contemple le désastre. La barrière va se briser. Va-t-il se perdre maintenant? Il étend les bras et de fins cordons dorés viennent s'y enrouler. Ils sont là, toujours là, et le tirent en arrière. Épuisé par cette lutte contre lui-même, il rassemble ce qui reste de sa volonté pour accompagner le mouvement. Un pas en arrière, un autre, encore un autre, de plus en plus vite. À mesure qu'il recule, la Vitre se restaure.
Fondu enchaîné. Sa vision se dédouble, puis une image s'impose, tandis que l'autre disparaît. Il secoue la tête, encore dans le flou, fait le point sur ce qui l'entoure. Son appartement. Il est assis sur le canapé. De la main, il en tâte l'étoffe. Oui, il est bien là, de retour chez lui. D'où il n'est jamais parti en définitive. Et pourtant si. Car maintenant, la nuit est tombée. Sur la table, son café est froid. Il appuie sur une touche afin de réveiller l'ordinateur en face de lui, et un coup d'oeil sur le bas de l'écran lui apprend que dix heures ont passé. Il soupire, las. Cette fois encore, il est revenu, mais l'alerte a été chaude. Il sait qu'il ne devrait pas aller là-bas... mais il sait aussi qu'il y retournera. Il est si beau, ce monde au-delà du miroir.
Lundi 22 décembre 2008 à 14:56
dans la catégorie Feeling
Commentaires
Par Lundi 22 décembre 2008 à 22:00
le ce monde, il n'est pas vrai. L'illusion, ce n'est pas là-bas!
Une promesse, une bousculade, un ami, une volonté.
Les choses chance, et certaine personne sont là, pour aider à faire changer les choses.
Une promesse, une bousculade, un ami, une volonté.
Les choses chance, et certaine personne sont là, pour aider à faire changer les choses.
Par Samedi 9 juillet 2016 à 5:11
le Enfin, nous sommes seuls tous les deux.
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et c'est effrayant de voir, qu'au fond il n'y a rien. Ce qu'on croit, ce que l'on sait ou pense savoir, tout ça c'est quoi? Ce n'est même pas du vent. C'est rien.
Mais s'il n'y avait vraiment rien, il n'y aurait même plus la peur, n'est-ce pas? Mais est-ce que ce serait mieux?